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Les écrevisses ont mangé mon coeur qui saigne

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10 octobre 2010

Spasme St.Valentin 2010

Mon corps tendu tremble dans la chaleur du tien :
Nous sommes si proches, bien qu'encore trop loin.
Pose une main sur ma hanche, attire moi à toi,
Douce et chaste étreinte qui tous deux nous liera.

Et si là sous la lune je gouttais, avide,
La douceur de ta langue et de ton coup livide ?
Et si sur ma peau, sur mon sein ta main glisse,
Je laisserais sur ton ventre errer sa complice.

Alors que s'accélère le souffle sur ma gorge,
Rafales brûlantes arrosées de baisers,
Alors que les mots dans nos deux bouches s'engorgent,
Une partie de moi est enfin libérée.

Je veux me laisser aller, ne plus être ermite.
Mon cœur trop longtemps fut celui de l'ennui,
Sur mon peau vierge l'histoire doit être écrite
Dans le feu d'un baiser et le froid d'une nuit.

écrit le soir de la St.Valentin 2010... sans aucune prétention sur la qualité des vers, donnez votre avis là dessus, je veux progresser :)

 

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9 octobre 2010

Fantasme

Je suis là. Je glisse sur l'océan. Sous moi, une eau mouvante, glaciale, hypnotique. Je suis là et ne le suis pas. Mes yeux dérivent laissés à l'abandon, enlevant avec eux mon esprit vagabond.

Je suis partout où s'accroche mon regard, en tout endroit qui fixe mon attention. Mon esprit, porté par l'infini de mes divagations, s'enivrent d'une liberté primaire, totale, sauvage. Une liberté que seule peut donner l'imagination pure, brute, qui ne s'arrête à aucune contrainte quelle qu'elle soit. Mais malheureusement, une liberté aussi sucrée qu'elle est amère, aussi enivrante qu'elle est factice. Une liberté au bout d'une longe, encrant l'esprit dans le corps aux limites insupportables, et dont la morsure est d'autant plus cruelle qu'elle sait se rendre invisible, parfois.

Je suis là, sur le pont, face à l'océan gris. Le soleil est encore bas. Il est quatre heure. Les bourrasques fouettent mon visage, s'engouffrent dans mes cheveux, mes vêtements, frôlant ma peau, caresses pressantes, hurlant à mes oreille la violence du grand large. Le vent, amant protecteur,  refermes sur moi son étreinte rassurante, m'enlace.

Je laisse s'abaisser en moi toutes barrières, toutes protections. Je m'abandonne pleinement aux sensations, laissant venir à moi les visions de l'imagination. J'en souffrirai sûrement plus tard. Peu importe. Le moment est trop beau, l'occasion est trop belle, la pression est trop forte. Je laisse se répandre en moi, douce drogue aux effets magnifique, l'Illusion bienfaitrice soumise au moindre de mes désirs. Je ne suis plus simplement sur un bateau. Je ne suis plus simplement moi. Le vent n'est plus simplement vent. J'ignore délibérément cette longe que je maudis tant.

Le vent prend alors forme, ange pâle aux cheveux noirs, charme sauvage et délicat. Chacun de ses gestes, chacun de ses soupirs, résonne en moi dans une harmonie sublime. Son âme je la connais, je la modèle, je la dessine, un halo de mystère, de calme, de force tranquille, rassurante. Aucune parole n'est échangée. Il n'y en a pas besoin. Nos lèvres se touchent, nos corps se frôlent, se pressent l'un contre l'autre. Mes mains caressent sa peau douce pendant que les siennes effleurent mon dos, ma joue, mon sein, dans une caresse fiévreuse. Ses traits sont flous, mouvants, ils n'ont pas d'importance. Nous ne sommes qu'un, il est la projection de mon idéal, une partie de moi désincarnée par la force d'un désir.

Incarnation du vent, il n'en reste pas moins élémentale. Je m'appuie sur la rambarde tandis qu'il se dissous dans les rafales dont les rudes caresses continues d'être celles de l'être évaporé. M'abandonnant à ces sensations, je repose mon regard sur les montagnes dont les falaises de roc ou les douces pentes herbeuses plongent dans les profondeurs de l'eau grise.

Le chant du vent devient alors l'inspiration de ma fuite. Il se presse autour de moi, il hurle en un murmure, il est la liberté, les glaciers, les montagnes, les plaines, les forêts. Ivresse. Son cris pénètre mon être, emporte mon cœur qui ne bat que pour cette musique envoûtante, primaire, originelle. Je suis deux. Je suis ce corps trop gourd, trop impotent, trop dépendant, trop douloureux. Je suis ce cœur inadapté, trop fragile, trop rêveur, trop assoiffé de vie, de désir, de liberté, de solitude. Ce cœur effrayé au moindre contact. Ce cœur qui hurle avec le vent, imposant, arrachant à mon corps une promesse d'évasion.

Les rafales s'intensifient, faisant claquer mes vêtements sous leur violence. Le vent m'entoure de son corps élémental, embrasant mon âme. Ô toi, amant infidèle, passionné, infini, emporte mon mental, emporte mon esprit. Laisse moi me fondre en toi. Laisse moi crier en toi, laisse moi à travers toi explorer le ciel, me déchaîner contre les océans, m'écorcher contre les glaciers, m'enivrer dans les forêts. Laisse moi me vider de toute ma passion, de tout mon désir, laisse moi hurler de rage, de douleur, de plaisir.

Amène moi frôler les Hommes. Laisse moi, à travers toi, voir dans sa globalité leur monde minéral qui pétrifie la terre comme une gangrène. Leur orgueil leur vénalité et leur bêtise dans lesquelles s'enlisent les trop rares âmes éclairées. Laisse moi, en toi, me gonfler d'une haine inutile et destructrice qui ira se briser contre l'inconscience bornée des Hommes. Puis porte moi, le cœur désolé et l'âme brisée, dans ces rares contrées isolées et hostiles, fascinantes et mortelles. Ces terres vierges des Hommes. Là, apprend moi à vivre, enseigne moi l'autosuffisance, l'osmose avec les éléments, réconforte moi, redonne moi confiance en un futur, en mon futur. Protège moi. Caresse moi. Embrasse moi. Aime moi.

Telle est ma prière, tel est, Poyel, mon impérieux désir. Veille bien sur moi ange gardien, veille sur mon cœur épris d'une liberté qu'il ne goûtera jamais, brûlant d'une soif d'amour qu'il n'assouvira pas, épris du vent, épris d'un rêve, trompé par ses propres mirages.

Je rêve, je ne vis pas.

écrit en été 2009 sur un bateau dans les Fjords de Norvège

9 octobre 2010

Elvire dans la peau

Debout au milieu du chaos de costumes et de vêtements s’entassant dans la pièce en petits tas informes, Christine reste figée. Elle regarde, incrédule, le petit homme rond et chauve au profil de rat sortir de sous la coiffeuse où il s’était probablement caché durant la représentation. Il est habillé de sombre et arbore un rictus qui aurait pu être un sourire, s’il n’avait pas été aussi crispé et affiché. Christine a un mouvement de recule et s’apprête à pousser un hurlement quand l’inconnu sort une arme de sous son manteau.

« - Ne criez pas ! implore-t-il d’une voix grave où l’on distingue une nuance d’angoisse, surtout ne criez pas, je veux juste vous parler !

- Qu-que me voulez-vous ? arrive à articuler Christine plus pâle que la robe de taffetas blanc qu’elle porte encore.

- Je ne veux pas vous faire de mal, je suis juste venu vous parler. Je vous en prie, écoutez-moi ! Il se fait implorant et esquisse un pas en direction de Christine qui recule. Elle se prend les pieds dans une robe et tombe à la renverse sur une pile de vêtements. Elle se relève à la hâte.

- Si vous vouliez seulement me parler, entame-t-elle d’une voix qu’elle s’efforce d’empêcher de trembler, vous auriez pu téléphoner ou encore m’envoyer une lettre ou un e-mail, je vous aurais certainement répondu. »

A ces mots, le teint de l’inconnu vire au rouge soutenu. Ses lèvres, qu’il tient pincées depuis sa sortie de sous la coiffeuse, sont à présent deux fines lignes blanches qui barrent son visage rubicon. Sa main, celle qui ne tient pas le revolver, se ferme et se rouvre dans un mouvement convulsif et inconscient. Ses yeux ne cessent de faire l’aller-retour entre la porte et Christine. Il éclate :

« - J’aurais pu vous écrire ? il hurle : J’aurais pu vous écrire ! Je suis porteur d’une offre beaucoup trop importante pour la coucher par écrit ! sa voix, jusque là caverneuse, se perd dans les aigus. Ses yeux grands ouverts roulent dans leurs orbites. Ecrire signifie prendre le risque que ma lettre se perde et alors, mon projet… goodbye ! Ah j’aurais pu vous envoyer un e-mail ?! Savez-vous que n’importe quelle personne bien équipée peut accéder à vos e-mails ? Quant au téléphone, qui sait si vous n’êtes pas sur écoute ! Les autres metteurs en scène n’attendent qu’un faux-pas de ma part pour me voler mon idée ! Non. Venir vous voir était la seule solution. J’ai fouillé votre loge, nous sommes bien seuls et je n’ai pas remarqué de micros. Vous allez m’écouter. »

Dans son délire, l’inconnu fait de grands mouvements de bras, le revolver s’agite dans tous les sens. Effrayée, Christine recule encore de quelques pas et se retrouve dos à la porte. Elle tente le tout pour le tout et s’écrie en regardant derrière l’inconnu :

« - Oh ! »

L’inconnu se retourne. La comédienne se rue sur la poignée, mais dans sa précipitation, elle ne parvient pas à ouvrir. Il est trop tard. L’inconnu se retourne. Un bruit sourd. Une vive douleur à la tempe. La vue de Christine se brouille. Elle s’effondre sur le sol. Plus rien.


La brume s’était levée avec l’aube, comme cela arrive si souvent, une petite brume matinale sans grande importance. Mais ici, dans la rue du café-théâtre Poquelin, elle ne se dissipait pas, elle persistait, accentuant tout ce qu’elle enveloppait : la taille des vieilles bâtisses, leur délabrement, l’aspect miteux du café, et donnait à la ruelle des airs malades. Les pierres froides des murs ruisselaient d’une sueur plus glacée encore. Les fissures lézardant les vieux murs étaient autant de cicatrices mal refermées qui ébranlaient la structure-même des mansardes.

« - Ils devraient fermer ce café-théâtre, marmonne un homme qui passe en remontant le col de sa veste, voilà bientôt deux ans qu’il ne donne plus aucune représentation. Il tombe en ruine. »


Dans la tête de Christine, les brumes de l’inconscience se dissipent pour laisser peu à peu place aux lumières de la lucidité qui éclairent les coulisses sombres d’un théâtre délabré. Les mains de la comédienne sont liées dans son dos, attachées au dossier de la chaise où elle est assise. Encore sous le choc, elle laisse échapper un gémissement.

« - Où suis-je ? Articule-t-elle

- Sur votre lieu de travail ! Lance joyeusement l’inconnu dans son dos. Elle sursaute. Je m’excuse de la manières dont je vous ai traitée, mais la réalisation de l’œuvre de ma vie nécessite quelques prises d’initiatives regrettables. Voyez-vous, ce théâtre a été construit à l’endroit même de la naissance du grand Jean-Baptiste Poquelin, c’est un hommage à sa grandeur ! Christine fronce le nez, agressée par l’odeur de moisissure ambiante. On y représente uniquement ses œuvres. Ces œuvres qui, de son vivant, ont été si durement critiquées, si lâchement censurées, si vite évincées ! »

L’excitation donne à sa voix des accents bizarres, elle oscille entre les graves et les aigus de façon singulière. Il a fait le tour de la chaise et se trouve à présent face à Christine.

« - Voilà deux ans que j’ai investi dans ce théâtre et que je monte la pièce qui, selon moi, représente le mieux le génie de ce grand homme : Dom Juan !

- Dom Juan est une reprise, une réécriture d’un mythe préexistant. Molière n’a rien inventé. Lâche machinalement l’actrice.

- C’est justement parce que cette pièce est une réécriture qu’elle permet de montrer toute l’ampleur de son talent ! Sans moyen de comparaison, comment pourrait-on mettre en valeur l’originalité d’une œuvre ? Molière a donné, dans son Dom Juan, une profondeur aux personnages et une singularité dans le jeu de scène étonnantes ! Lisez après cela El Burlador de Sevilla de Tirso De Molina, vous trouverez le tout plat, sans surprise, commun, voire médiocre. Avec sa réécriture de ce mythe Molière éclipse toutes les autres. C’est cela le talent. »

Tout au long de sa tirade, l’inconnu se rapproche de la comédienne. Il est si près à présent qu’elle peut voir la veine de sa tempe battre la mesure de son exaltation. Elle peut sentir son souffle chaud à l’haleine fétide courir sur son visage comme pour en prendre possession. Elle détourne la tête, écœurée.

« - Tout cela est très bien, lance-t-elle avec une aigreur mal contenue, mais qu’attendez-vous de moi ? A l’heure qu’il est mes proches ont déjà dû se rendre compte de ma disparition et la police doit me rechercher. Vous feriez mieux de me relâcher.

Sans faire attention à la réplique acide de Christine, l’inconnu continue, se relevant :

- Je veux faire de mon interprétation de Dom Juan une œuvre à la hauteur de celle de Jean-Baptiste Poquelin, non, je veux faire mieux ! Voilà près de deux ans que je travaille et retravaille cette pièce. C’est une réussite à la hauteur du plus grand ! Toute personne y prenant part sera immanquablement gravée dans les mémoires ! Mon nom traversera les âges, et le vôtre aussi très chère, puisque je vous ai choisie ! Vous serez mon Elvire ! »

Christine enfonce ses ongles dans la chaire de ses paumes. Comment raisonner ce fou ? Comment échapper à son emprise ? Comment s’en sortir ? Elle est coincée, là, sur sa chaise, impuissante, ne pouvant que subir. L’inconnu continue son délire, ne prenant pas garde à l’expression décomposée de son auditoire. Il fait à présent les cents pas devant la chaise.

« - Bien entendu, vous devrez habiter ici le temps des répétitions et des représentations. Mes collègues metteurs en scène sont d’une jalousie et d’une perfidie sans limite ! Ils essaieront, comme ils essaient déjà, de grappiller des informations sur mon chef d’œuvre ! Ils sont ingénieux ! Ils posent des micros, se déguisent en passants déambulant dans la rue, à l’affût de la moindre parcelle de mon génie. Mais je suis trop malin ! Moi je les reconnais, ils ne m’auront pas, je garderai mon secret ! Et vous aussi ! »

Sur cette dernière phrase, il s’était brusquement tourné vers la comédienne, et maintenant, il la dévisage avec une expression féroce, sauvage. Une aura de folie l’entoure. Christine frisonne.

« - Je ne peux pas être votre Elvire. Tente-t-elle de dire avec aplomb sans arriver à gommer totalement la panique dans sa voix. Je suis une mauvaise actrice, je cumule les petits rôles sans succès depuis mes débuts.

- Ce n’est pas votre talent sur les planches qui compte, commence l’inconnu le regard exalté, c’est votre vie ! Vous ETES Elvire ! Ce rôle est votre destin, l’apothéose de votre existence ! Je vous offre la célébrité pour un rôle que vous avez interprété sans vous en rendre compte depuis votre naissance ! Il fait de grands gestes avec les bras et roule des yeux fous. Votre deuxième prénom n’est-il pas Elvira ? N’avez-vous pas des origines espagnoles ?

- Bien sûr ! Coupe Christine, criant presque. Bien sûr que j’ai des origines espagnoles, comme à présent le quart des femmes en France ! Je n’ai aucun lien avec ce personnage servant de faire-valoir à un macho polygame, et qui plus est, inventé il y a de cela trois siècles ! »

L’inconnu la regarde sans comprendre. Comment peut-on à ce point-là ignorer les évidences ? Cette femme a en elle les caractéristiques mêmes d’Elvire. Il s’était renseigné. Il avait même longuement enquêté sur sa vie pour être sûr qu’elle serait parfaite. Et voilà que maintenant elle refuse de voir la vérité en face. Pourquoi cela n’est-il jamais simple ? Qu’à cela ne tienne, il la convaincrait.

« - Vous ne voyez vraiment pas que tout votre être fait écho au personnage ?

- Pour commencer, lance-t-elle acerbe, je ne suis pas nonne.

- Vous êtes comédienne. Vous êtes donc très proche de ces femmes. Elles consacrent leur vie entière à jouer le rôle d’épouse d’un dieu qu’elles craignent entre tous, admirent par-dessus tout. Les grandes lignes de leur jeu de scène sont écrites dans le scripte des Saintes Ecritures. Le moindre moment de leur journée est programmé : la messe matin, midi et soir, des dévotions à chaque heure de la journée. Et puis leur costume, cette robe noire que chacune d’entre elle porte ! Même leurs répliques sont pré-écrites : le Notre Père, Je vous salut Marie et les autres ! Les sœurs sont vraiment très proches de vous, comédiennes. Dieu est leur metteur en scène. »

Il a dit cela sur le ton très calme de l’instituteur expliquant à un élève attardé la chose la plus normale, la plus évidente qui soit. Christine rougit face au blasphème de cet inconnu. Elle veut faire le signe de croix pour bannir le péchés mais ses mains sont attachées. La fervente croyante qu’elle est se mort la lèvre de rage jusqu’au sang. Elle explose :

« - Comment osez-vous parler ainsi de femmes sacrifiant leur vie pour leur Salut et celui des Hommes ?! Vous êtes un monstre ! »

Encore une fois, l’inconnu la regarde sans comprendre. Il reprend sur un ton catégorique, où perce une pointe d’étonnement :

« - Je ne dis que ce qui est. Et je vous affirme que le fait qu’Elvire ait été une religieuse n’est pas une différence mais un lien entre vous et elle. Vous seule pouvez interpréter ce rôle à la perfection. »

Christine se laisse aller sur sa chaise. Il ne sert à rien de raisonner avec ce fou. Malgré son air calme, l’inconnu continue de serrer et desserrer son point de manière convulsive. On sent en lui une violence sous-jacente qui ne demande qu’à refaire surface. Mais pour l’instant, son visage est impassible, sa respiration calme. Il est chez lui. Il est sûr de lui. Cette comédienne jouera pour lui, ça ne fait aucun doute. Tout est une question de temps. Et du temps, il en a.

Après un moment de silence, Christine repasse à l’attaque :

« - Je ne me suis pas faite séduire comme une enfant par le premier beau-parleur venu.

- Mais bien-sûr que si. Réplique-t-il toujours aussi calme.

La comédienne s’apprête à protester, il la coupe :

- Le premier metteur en scène d’Elvire était ce dieu que vous respectez tant, mais Don Juan est arrivé. Il l’a charmé de belles paroles, elle s’est laissée séduire, il est devenu son nouveau metteur en scène. Dans le jeu de la séduction chaque geste, chaque parole est pré-écrite. Don Juan lui imposait un jeu dans lequel elle ne le repoussait que pour mieux succomber à la fin, ce que Don juan avait prévu dès le début. Là encore, elle jouait un rôle. Vous, votre premier metteur en scène, il y a quatre ans, à vos débuts, c’était moi ! Vous vous êtes ensuite laissée séduire par le grand Di Marchino qui vous a fait enchaîner les petits rôles sans importance, vous promettant la gloire comme Don Juan promettait le mariage.

Christine le regarde, incrédule.

- Monsieur De Noirmoutier?

- Non. De Noirmoutier était un de mes concurrents, il m’avait volé ma pièce, L’étoile du Nord, et s’est allègrement inspiré de MA mise en scène !!! »

En disant cela, il a violemment fermé le poing et à présent un fin filet de sang coule le long de ses doigts et goutte sur le sol. « Tout comme les larmes qu’il avait dû verser lorsque De Noirmoutier avait volé sa mise en scène… Si toutefois tout ce qu’il dit est vrai. » songe la comédienne. L’inconnu reste un moment les yeux dans le vague, comme en proie à un terrible combat intérieur. Son regard est troublé et on distingue dans ses yeux une lueur féroce, bestiale. Une larme coule sur sa joue. Prise de pitié sans trop comprendre pourquoi, Christine lance d’une voix douce :

« - Comment vous appelez-vous ?

Il la foudroie du regard et répond agressivement :

- Ça ne vous regarde pas. Pour vous, je serai le metteur en scène.

- Je refuse de jouer Elvire, répond-elle, butée, effrayée par le brusque changement de comportement de son ravisseur.

- Mais vous êtes déjà en train de jouer ce rôle. Vous le jouez depuis votre naissance. » reprend-il de sa voix calme et posée de professeur.

Mais dans son œil, la lueur sauvage brille de façon inquiétante. Sa voix a désormais des inflexions plus sèches.

« - Vous avez donc été séduite par un autre metteur en scène qui vous a utilisée comme actrice puis abandonnée.

Son ton a quelque chose de lapidaire, il s’impatiente, ne parvient plus à se contenir :

- Maintenant, c’est l’heure de votre repentir.

Cette réplique tombe comme une sentence. Christine frissonne.

- Comme Elvire qui est revenue vers dieu, comprenant son erreur et voulant reprendre sa place dans le grand théâtre du couvent, vous voilà, pour reprendre VOTRE ROLE. AVEC MOI. DANS MON THEATRE.

Son ton est dépourvu de toute compassion, tout son être se délecte de la possession de cette comédienne. Car il la possède.

- Vous jouerez ce rôle pour tout honneur et toute gloire. »

Il est impérial, il ne conçoit pas de refus. Le temps des explications est fini, place au théâtre maintenant ! Il n’entend pas ses protestations, il ne voit pas les larmes ravager son visage. Il ne pense qu’aux comédiens manquants qu’il doit trouver pour réaliser son chef d’œuvre. Il la détache. Il veut la conduire dans sa nouvelle loge. Elle se débat. Il la retient. Ils trébuchent. Elle tombe. Le coin de la table s’enfonce dans son crâne, y creusant une cavité incongrue de laquelle s’écoule un flot pourpre de liquide vital.

« - Elvire ? appelle l’inconnu

Pas de réponse

- Vous m’entendez ? »

Toujours pas de réponse.

Pourquoi les comédiens sont-ils si fragiles ? Voilà bientôt deux ans qu’il cherche des acteurs, voilà bientôt deux ans que tous, sans exception, meurent ainsi, bêtement, par accident. Oh, ce n’est pas grave, il en trouvera d’autres. Il a l’habitude maintenant.

Il transporte le corps sans vie de Christine dans la chambre où reposent les corps des autres comédiens de sa pièce. Il y a un Sganarel, une Charlotte et un Pierrot, un Don Carlos, et maintenant Done Elvire.

Tous sont entreposés par terre au pied d’un grand lit à baldaquin où gît ce qui semble être le plus vieux des cadavres. Il ne reste plus que des os, vierges de toute chaire. L’inconnu s’approche de ce corps et s’adresse à lui respectueusement :

« - Bonjour maman. Comme tu vois, j’ai trouvé une autre actrice pour ma pièce. Mais elle est morte. Je te l’amène, elle jouera pour toi, comme les autres. Ils ne veulent pas jouer pour moi. Pourtant je fais des efforts, je leur explique. Je te jure !

Mais ne t'inquiète pas, je la monterai ma pièce tu verras, je serai le meilleur metteur en scène de tous les temps ! Je fais tout ça pour toi maman.

Je pensais vraiment que celle –ci serait parfaite… Le regret pointe dans sa voix. Je ne laisse pas tomber maman, je vais continuer à chercher. Je trouverai les acteurs parfaits, et alors, toi aussi tu pourras jouer un rôle, comme tu en as toujours rêvé. Tu seras un spectre magnifique ! »

L’inconnu regarde tendrement les restes de sa mère. Tout son travail sur Dom Juan, c’est pour elle qu’il le fait. Elle qui voulait tant être comédienne. Là, dans sa mise en scène, elle sera le spectre parfait. Sa pièce sera criante de vérité. Tous les comédiens devront être l’incarnation même du personnage qu’ils interpréteront. Sa pièce ne pourra être représenté qu’une seule et unique fois : Don Juan doit réellement mourir. Ce sera un chef d’œuvre à la hauteur du plus grand ! Mais voilà qu’il se retrouve de nouveau sans comédienne. Il va devoir recommencer la chasse, mener l’enquête pour dénicher une autre incarnation d’Elvire, de Sganarel et des autre. Oh, j’y arriverai, cela ne fait aucun doute, mais cela prendra du temps. Il jette un dernier regard à sa mère avant de refermer la porte. Cela lui prendra du temps. Et du temps finalement, il n’en a pas tant que ça.

2007 (17ans) expression écrite de Ts

9 octobre 2010

Flayedbymyself presentation

Bonjour ô toi qui vient de cliquer (par mégarde) sur ce lien !

Je sais que là, présentement, tu as envi de tout sauf de te taper des tartines de textes sans dialogue d'un(e) inconnu(e) dont tu n'as absolument rien à faire, et que, si tu n'es toujours pas parti paître ailleurs, tu es en train de te dire que t'as vraiment que ça à foutre...
Mais je te rassure, tu n'es pas en train de perdre ton temps ! (enfin pas plus que si tu étais sur facebook... ouais, en fait tu perds ton temps, mais si tu aimes la lecture, RESTE, tu es mon homme !)

Ici je vais poster mes textes (à une fréquence de 1 tout les mois 3 mois beaucoup de mois). Alors, si tu as la vocation de critique littéraire, ou que tu as juste envie de donner ton avis (ou juste de jouer les chieurs sans aucune conséquences) alors vas-y, lâche toi, ce blog est là pour ça !

Sur ce, si tu as lu jusque là, je t'aime et je souhaite que tu vives heureux avec plein d'enfants, de sous, et tout et tout.  Si par contre tu t'es tiré à la première phrase, tu es une crevure :p.

Bonne lecture !

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Les écrevisses ont mangé mon coeur qui saigne
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Les écrevisses ont mangé mon coeur qui saigne
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